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Interview

2023 WINTER

Une réflexion sur le stress de la vie actuelle

Au cours d’un entretien exclusif qui se déroulait dans un café du quartier de Hongdae, la grande écrivaine surréaliste Bora Chung, alors tout juste de retour du Festival international de littérature de Berlin, évoquait les particularités de son écriture à la prose dynamique et chaleureuse qui réconforte le lecteur tout en l’incitant à l’introspection et en le captivant par des éléments d’angoisse mêlés à la banalité du quotidien.

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(De gauche à droite)
Recueil de nouvelles Emploi du Temps de Minuit édité en 2023 par Purplerain, la collection de littérature de genre de l’éditeur Galmaenamu; édition américaine de Cursed Bunny éditée par Algonquin Books en 2022; édition coréenne révisée de Cursed Bunny publiée en 2023 par Influential Inc. dans la collection Rabbit Hole; roman coréen About Pain édité par Dasan Books en 2023; édition anglaise de Cursed Bunny publiée en 2021 par Honford Star au Royaume-Uni.
© Galmaenamu
© Influential Inc.
© Algonquin Books
© Dasan Books
© Honford Star Ltd.

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Lors de l’événement International Booker Prize Shortlist Readings, qui a eu lieu au Queen Elizabeth Hall du Southbank Centre de Londres le 22 mai 2022, Bora Chung et son traducteur Anton Hur arboraient des T-shirts marqués du titre du célèbre roman de l’autrice.

En 2022, la traduction anglaise du recueil de nouvelles Cursed Bunny (Jeoju tokki) de Bora Chung allait être retenue parmi les ouvrages en lice pour la remise de l’International Booker Prize, l’un des prix littéraires les plus prestigieux au monde, puis, dans son édition américaine, concourir à l’épreuve finale du National Book Award for Translated Literature. Cet ensemble de dix textes se distinguait par un original mélange des genres de l’horreur, du fantastique et de la science-fiction dans un tableau saisissant révélant les angoisses et tensions latentes du quotidien. Cinq ans après sa première parution, ce livre se classe encore parmi les meilleures ventes de l’édition sud-coréenne.

Née à Séoul en 1976, Bora Chung a, dans son enfance, été bercée par les épisodes du feuilleton culte Histoires de fantômes coréens, aussi appelé Le pays des légendes (Jeonseorui Gohyang), qu’a diffusé une chaîne de télévision coréenne de 1977 à 1989, et allait par la suite se découvrir un goût pour le roman policier sous l’influence des lectures de sa grand-mère. Plus tard, elle poursuivra des études supérieures à l’Université Yonsei, puis aux États-Unis, où elle obtiendra une maîtrise de langue et civilisation russes et d’Europe de l’Est à l’Université de Yale, suivie d’un doctorat de littérature russe et polonaise à l’Université d’Indiana. À son retour au pays, tout en dispensant un enseignement universitaire et en traduisant de nombreuses œuvres russes et polonaises, elle s’engagera dans la voie de l’écriture et fera paraître plusieurs romans et recueils de nouvelles. Ayant cessé depuis peu ses activités universitaires, elle se consacre désormais entièrement à son œuvre littéraire.

J’allais avoir le plaisir de m’entretenir avec elle dans l’un des cafés du bouillonnant quartier de l’université de Hongdae, alors qu’elle revenait à peine du Festival international de littérature de Berlin, cette manifestation riche en échanges passionnants dans ce domaine.

Comment avez réagi le public et vous-même en apprenant votre présélection pour l’International Booker Prize?
J’ai reçu des messages des quatre coins du monde sur les réseaux sociaux. Certains lecteurs disaient même avoir peur d’aller aux toilettes après avoir lu Meori (La tête), où une tête humaine surgit de la cuvette des W.C.. Pour ma part, je n’ai pas changé grand-chose à ma vie, si ce n’est que je passe plus de temps qu’avant à réfléchir à mes prochains livres.

Que ressentent vos lecteurs face à la part de surnaturel que comportent vos récits?
Dans le cadre de cette édition du Festival international de littérature de Berlin, j’ai participé à deux tables rondes sur les genres de l’horreur et du réalisme magique qui permettaient aux auteurs d’échanger points de vue et quantité de récits dans le domaine du surnaturel. Des ouvrages historiques coréens tels que Samguk sagi (Histoire des Trois Royaumes) ou Samguk yusa (Souvenirs des Trois Royaumes), qui datent des XIIe et XIIIe siècles, comportent nombre d’anecdotes faisant état de phénomènes surnaturels et de créatures légendaires. Il est indéniable que ces récits exercent depuis toujours une certaine fascination, mais ils ne font pas seulement appel à l’imagination, car ils favorisent aussi une plus grande ouverture d’esprit. Lors des manifestations du même type qui ont eu lieu à Singapour et en Malaisie, les histoires de fantômes semblaient aussi très appréciées et ont notamment suscité une forte participation du public aux débats en révélant un engouement remarquable pour la culture coréenne.

En quoi la Corée se singularise-t-elle dans le genre du merveilleux?
Les intrigues et le style propres à ce genre diffèrent certes d’une culture à l’autre, mais l’attrait qu’exerce le surnaturel demeure une constante. L’originalité des productions coréennes tient à leur fort ancrage culturel, les thèmes universels qui s’y superposent permettant aux lecteurs étrangers d’adhérer aussi au récit.

Votre enfance a-t-elle eu une influence importante sur vos écrits?
Assurément. Dans mon enfance, le feuilleton Histoires de fantômes coréens m’a beaucoup marquée par la présence d’esprits et d’autres phénomènes paranormaux qui éveillaient l’imagination. Mon dernier roman paru au printemps, Ho (Le renard), suit cette veine en faisant appel au renard Gumiho, cet animal mythologique à neuf queues, dans une histoire d’envoûtement qui rappelle les contes populaires adaptés par la télévision. Cependant, il s’en distingue en plaçant l’action de la légende de jadis à notre époque.

Voyez-vous en la littérature un moyen adapté au changement social?
J’ai la conviction qu’elle ne peut changer le monde à elle seule. J’ai été choquée par l’amalgame qui a été fait entre ma sélection pour l’International Booker Prize et ma présence dans une manifestation contre la guerre en Ukraine qui avait lieu devant l’ambassade de Russie à Séoul. Cela m’a rappelé qu’il ne faut pas se réfugier dans les œuvres de l’esprit au point de perdre tout contact avec la réalité. Néanmoins, je persiste à croire au pouvoir consolateur de la littérature. Je crois pouvoir affirmer que ce que j’écris fait naître toute sorte d’émotions chez ceux qui me lisent.

Jugez-vous vos œuvres réalistes en dépit de leur composante de merveilleux?
Le réalisme magique consiste à présenter l’étrange sous un jour des plus réalistes. Si mes livres parlent de personnages imaginaires, ils ne prennent pas moins en compte les réalités de notre monde. L’écriture représente pour moi le moyen de chercher à comprendre ce qui m’échappe.

En quoi la traduction littéraire a-t-elle influencé votre travail d’écrivaine?
La traduction littéraire, que j’ai longtemps exercée, a été pour moi une école d’écriture dans ce domaine, car, à force de restituer en coréen des textes composés dans d’autres langues, j’ai considérablement amélioré ma connaissance de la mienne. Elle a aussi été l’occasion de m’intéresser au processus de la création littéraire, à savoir la construction de l’intrigue, la deion des personnages et la narration. Ma manière d’écrire doit beaucoup à un courant de la littérature slave qui s’est développé à une époque où l’avant-garde littéraire jouissait de la considération du public de ces pays.

Quel accueil espérez-vous recevoir dans le lectorat étranger?
Pour exister en tant qu’auteur, il va de soi qu’il faut continuer d’avoir des lecteurs, alors, quand quelqu’un de plus me lit, j’ai l’impression d’être redécouverte et cette constante évolution me remplit de gratitude. Mon livre Cursed Bunny étant disponible dans de nombreuses langues, j’ose espérer que les lecteurs du monde entier accordent plus de confiance aux traducteurs et aux versions qu’ils livreront sans craindre que leur échappent des éléments du texte d’origine.

Avez-vous des projets littéraires en tête?
Dans la démarche littéraire que j’entends suivre, j’aspire toujours à la réalisation de l’utopie. Au moyen de l’écriture, je m’attache à explorer les voies par lesquelles instaurer une société plus sûre et plus épanouie, et par mes actions, je m’efforce aussi d’y participer à ma manière, car j’estime que c’est ce que j’ai de mieux à apporter. Tout en continuant bien sûr à conter mes histoires de fantômes.

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Paru pour la première fois en Corée du Sud en 2017, Cursed Bunny, de Bora Chung, allait être traduit en anglais par Anton Hur et publié par Honford Star quatre ans plus tard, puis faire partie de la sélection présentée l’année suivante au concours de l’International Booker Prize.
© Shutterstock ; Photographie par Andrew Fosker

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Si les récits de Bora Chung semblent au premier abord se dérouler dans une atmosphère étrange, voire troublante, ils naissent de la colère qu’éprouve l’autrice face aux injustices sociales dont elle est témoin dans la vie quotidienne.



Cho Yong-hoJournaliste à la section culturelle d’UPI News
Heo Dong-wukPhotographe

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